CARTES POSTALES
BASTIA
J’ai perçu ton regard distant
Derrière les volets peints
De tes façades ravinées
Je t’ai sentie langoureuse
Tout doucement tanguer
Ton flanc lové à la courbe de ta baie
Comme une barque depuis longtemps accostée
Je t’ai vue secrète circuler
Dans le labyrinthe de tes venelles
Foulant le schiste de tes ruelles
Et des vieux escaliers
Puis traverser blanche et lumineuse
Le grand parc planté de palmiers
Et bordé de ton port
Plein d’activités
Et de navires prêts à te quitter
Comme pour éviter
D’écraser de leur masse imposante
Celle que tu as été
AJACCIO
Dès le port
On te pressent radieuse
Nostalgique et précieuse Ajaccio
Tu serres comme un écrin
Le souvenir impérial
Une main posée sur ton cœur
Et de ton bras droit
Frangé de plages
Tu largues
Des Sanguines
Le cristal rose et bleu
À la mer
AU PIED DE L’ANGE
C’est un pavillon secret
Au bout d’une longue allée
Où silhouette pâle le chien s’assoupit
Dans le salon de grands dessins
Sobrement colorés de la maison
Le soir l’activité
C’est le match de foot à la télé
Après le coup de fil attendu
De Marie-Josée
Sur le buffet la photo de l’Adolescente
Un certain matin
La voix de l’ancien prof de math chante
Son amour pour son petit-fils
« Un gentil garçon… »
À l’entrée du domaine
Le vieux moulin s’estompe
Derrière son épais buisson
Et pour clore le tableau
Tout au fond
Sous le profil arrondi d’une épaule
Le regard de l’Ange
Immense et profond
LES GARES
Les gares sèment…
…de sourires complices
Les terrasses défuntes
Et toujours retrouvées
…de braises dormantes
Les frontons des temples
À l’heure où la Divinité
S’absente
Seuils
Doux accueils
Approches réticentes
Le temps
Sur nous s’enroule
Comme des langes
Qui sont aussi linceuls
PINYIN[*] : OCTOBRE À DANVILLE
À Danielle et Françoise
L’ocre l’or le vermillon
Des maisons de toutes couleurs
Sur un fond de ciel bleu-gris
Et partout le souvenir
Des amies trop tôt reparties
Le lourd envol des bernaches
Le fin triangle de leurs cris
Et partout le souvenir
Des amies trop tôt reparties
Bon vin amicale compagnie
Steak de Wapiti
L’insomnie me ramène à la poésie
De Wang Wei et de Chien Chi
Très tard la nuit
Et toujours le souvenir
Des amies trop tôt reparties
LE GANGE HOMONYME
S’y mirent en poésie :
J.-P. Daoust
C. Beausoleil
J.-M. Desgent
Le Gange a des reflets
De CENDRES BLEUES
C’est son soleil qui s’y baigne
Frileux
Alors que des anges apsaras fredonnent
Dans les cieux
[*] Système de transposition alphabétique et phonétique des idéogrammes chinois.
Plus que par son allusion finale à la poésie chinoise, c’est par son écriture que ce texte veut faire « chinois ». Chacune de ses strophes rappelle un des trois grands courants de la pensée chinoise. La première se rapproche de l’esprit bouddhiste par sa simplicité, la seconde, de la sensibilité taoïste qui, plus imaginative, tend à communier avec la nature et les êtres; la troisième imite le style confucianiste « dépouillé…non épique…aux thèmes très proches de la vie réelle des hommes ».
Cf. François Cheng, Entre source et nuage, Avant-propos.
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