Épistémologie

La philosophie de la connaissance, une discipline centrale pour la philosophie

La philosophie de la connaissance est une discipline centrale en philosophie puisque la philosophie est d’abord préoccupée par la question de la vérité. Or la connaissance devrait logiquement toujours être connaissance du vrai. Mais ce n’est pas toujours le cas. Chacun a déjà fait l’expérience de se rendre compte qu’il croyait savoir quelque chose mais que ce n’était pas une connaissance vraie. Il s’agissait donc d’une connaissance erronée.

Les scientifiques eux-mêmes ont pour principe de n’ademettre en leur créance que ce que ce qui peut être falsifiable, suite aux recommandations de Karl Popper à cet égard. En fait la science est un long cheminement fait d’avancées et de recul. Des conceptions relatives aux lois gouvernant le mouvement des corps ont pu longtemps être admises pour vraies et s’être révélées inexactes ou incomplètes suite à l’apparition de théories plus élaborées.

Un des principaux penseurs de l’épistémologie, Immanuel Kant (XVIIIe siècle)

L’un des grands penseurs de la théorie de la connaissance moderne est Immanuel Kant. En fait, c’est à lui qu’on doit la théorie critique qui a constitué un des sommets de la pensée des Lumières, au XVIIIe siècle. Dans la critique de la raison pure, il a cherché à réfléchir aux conditions de production des connaissances scientifiques, dans l’espoir de mieux fonder celles-ci sur des bases solides, car il voyait le risque que des théories sceptiques de la connaissances ne viennent saper l’édifice des sciences faisant la force de la civilisation occidentale.

Cependant, il fallait pour ce faire se montrer très critique par rapport aux naïvetés des théories rationalistes, qui prétendaient pouvoir fonder l’entièreté du système de la science sur la cohérence interne des raisonnements logiques. Il a tout de même prétendu démontrer que l’on pouvait produire de nouvelles connaissances simplement par la puissance de la pensée. Il a appelé ce type de connaissances le fruit ou la conclusion de jugements synthétiques à priori. Le meilleur exemple de ceux-ci se trouve dans les opérations mathématiques.

Certains raisonnements mathématiques sont purement analytiques. Mais d’autres pepeuvent être synthétiques. Ce sont des questions complexes. Mais on voit que ce qu’il fallait prendre en considération était le fait que les connaissances ne pouvaient progresser qu’au moyen de l’expérience. Il acceptait ainsi la leçon de David Hume, pour lequel l’expérience était la source de toutes les connaissances. Mais il estimait tout de même que la raison pouvait servir de guide et que les catégories de la raison ne découlaient pas de l’expérience mais étaient établies d’emblée dans l’esprit s’il est permis de s’exprimer ainsi et que c’était à travers le schématisme de l’imagination que la connexion pouvait se faire entre ces catégories du jugement et l’appréciation de la valeur de connaissance qui pouvait être associée à chaque expérience, répétable ou non. La sensibilité elle-même ne pouvait fonctionner qu’à travers des formes a priori, soit l’espace et le temps qui lui permettaient d’intégrer les données provenant des sens à l’intérieur d’un cadre lui permettant de traiter ces informations pour en faire quelque chose qui ait du sens au regard de la conscience rationnelle, au moyen d’un traitement combiné par le schématisme de l’imagination et les catégories de la raison.

Différents types de connaissances

Or, s’il existe des connaissances erronées et par conséquent un besoin de réfléchir aux moyens de bien fonder la connaissance, il faut reconnaître aussi qu’il existe différents types de connaissance. Et si certaines connaissances renvoient à des domaines qui peuvent être traitées avec un certain degré d’objectivité, il existe d’autres domaines d’activité humaine pour lesquels des connaissances demandent à être développées mais sans que celles-ci puissent prétendre être objectives. On peut penser au domaine de la psychologie ou des affects en général. Si une personne se sent triste suite à un évènement dont elle a été témoin, il n’est pas possible de lui dire que son état émotif est erroné même si on présente des arguments expliquant que les éléments composant l’évènement ne justifient pas une telle réaction. La tristesse de la personne qui a été ainsi touchée n’est pas moins vraie même si elle semble ne pas être appelée par les faits auxquels elle a été confrontée.

Mais ce point du caractère relatif des connaissances psychologiques incluant des états affectifs qui peuvent sembler subjectifs est lui aussi débattu. Et cela fait partie des sujets d’intérêt pour la philosophie de la connaissance. Cependant, il y a d’autres domaines de la philosophie que l’épistémologie qui s’intéressent à la vérité et qui ne sont pas centrées tant sur la connaissance que sur l’appréciation juste d’un cas.

La critique est d’abord l’affaire de l’esthétique

Si on prend le sens le plus répandu de l’expression «critique», on sait qu’elle renvoie à une activité d’évaluation de la qualité des oeuvres d’art. Il y a des critiques littéraires, des critiques en arts visuels et des critiques de cinéma, tout comme il y a des critiques en vins et en gastronomie en général.

Et l’appréciation esthétique est le domaine des jugements normatifs qui font appel à la sensibilité ainsi qu’au goût moral, comme l’appelait David Hume pour parler de la délicatesse de goût et d’imagination, qui considère les effets d’une oeuvre d’art sur l’état d’esprit du sujet qui la contemple. Si la composition est bien équilibrées, cela disposera probablement le sujet à se sentir favorablement disposé par rapport à l’oeuvre. Mais une composition bien équilibrée implique qu’on y tolère la présence de certaines dissymétries. Une composition trop symétrique serait contraire au bon goût car elle procurerait à l’oeuvre un caractère figé qui déplaît dans la mesure où il est contraire à la vie. Tout se passe donc comme si une oeuvre ne pouvait être jugée belle qu’à proportion de sa capacité à augmenter le sentiment d’intensité de la vie, ou de vitalité. Et en même temps, le temps a permis de faire réaliser que les oeuvres qui allaient trop loin dans l’exacerbation de ce sentiment étaient moins bien appréciées que celles qui conservaient un certain degré de retenue. Car une trop grande consommation des énergies vitales peut conduire à leur déperdition et à la mort. Mais pour les amateurs de tragédie, le fait d’être confronté à de telles perspectives ne fait que rehausser le sentiment d’exister, pourrait-on plaider. Est-ce une question de goûts, ou y a-t-il quelque chose d’universel que l’on pourrait départager afin de dégager certaines vérités esthétiques ? Cela fait justement appel aux savoirs propres à la philosophie de l’appréciation de la beauté dans les arts, ce que j’appelle l’esthétique, et qui est une branche centrale de la théorie critique.

L’Éthique aussi revendique ses propres vérités, même si elles ne sont pas objectives

Un autre domaine d’activité humaine dans lequel on recherche une certaine forme de connaissances même si ce ne sont pas des connaissances qui prétendent à l’objectivité comme en sciences, c’est l’éthique. Ici c’est la qualité de l’appréciation de la valeur des actions qui sont posées effectivement, dans telles ou telles circonstances, qui entre en cause. Et c’est aussi la comparaison de cette valeur à celle d’autres actions qui auraient pu être posées et dont il s’agit de savoir si elles auraient être meilleures ou pires dans ces circonstances.

Y a-t-il des degrés dans la valeur des vérités ?

Bref, nous avons vu que la vérité était la préoccupation centrale de la philosophie dans différents domaines. Mais il est vrai aussi que la philosophie ne pourrait pas être complète si elle ne s’intéressait qu’aux vérités de type scientifique. Et en relation avec les capacités humaines, il est approprié de s’interroger sur la nature et le fonctionnement de différents types de connaissances. Ainsi des êtres humains peuvent faire preuve d’une bonne dose de bon sens, même si ce n’est pas de la connaissance au sens des savants. Le jugement dans la conduite des affaires quotidiennes ou sens pratique est aussi digne de reconnaissance par les philosophes que le jugement portant sur les valeurs ou les finalités ultimes d’une existence humaine.

Des non-connaissances vraies sont-elles possibles ?

Alors peut-être y a-t-il lien de nous en remettre à une vision relativiste de la vérité selon laquelle, ce qui est vrai ne vaut comme connaissance que dans sa sphère, mais que les connaissances existent aussi dans d’autres sphères. Et si des connaissances peuvent être erronées, se peut-il que des non-connaissances soient vraies ? Y a-t-il quelque chose comme de vrais doutes et de vraies questions ? Et si c’est le cas, cette vérité est-elle susceptible de degrés et de quel domaine d’investigation relève-t-elle ?

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