HÉRACLÈS ARCHER[*]
À Fabrice
ostinato
Tu moules Bourdelle
La vie dans le bronze
Comme l’instant
Dans l’éternité
Ton Adam
D’avant la faute
Encore à la terre
Comme à son trône rivé
S’éveille nubile
Et sent
Entre ses cuisses fertiles
Germer l’Humanité
Ton Héraclès archer tu le crées
Par la voussure d’un dos
Imitant celle d’une carène
Plongeant et redressant
La tension extrême
De son arc sur les eaux
En l’absence d’une proie
Que le seul désir empenné
Traque en son œil même
Et c’est tout le corps qui repose
Sur l’appui du genou et de l’orteil recourbé
Dans l’écartèlement symétrique des bras et des jambes
Les uns repliés prêts à bondir à s’armer
Les autres s’arc-boutant pour assurer
La résistance et l’empoigne nécessaires
À la découpe de l’allonge fatale
De l’esprit exaspéré par toute cette fureur
Qu’il retient entre les serres de son recueillement
Comment refréner autrement l’étourdissant vrombissement de crécelles
Qui stridule sous les parois de sa pauvre cervelle
Et contracte son front en une strie semblable à la huppe des gallinacés
Ahuris
Enfermant sa face dans une cuirasse rigide
Qui moule comme dans la gueuse réfractaire
La chimère que depuis toujours il poursuit
Et c’est tout le corps
Engin de mort sanglé d’ombre et de lumière
Qui bascule sur son moyeu
Formé de la lourde masse génitale
Sonde profonde assurant l’aplomb vertical
Du bras et de la flèche
Qui obéissant à une balistique tout intérieure
Fixent une invisible étoile
S’abaissent et gravement amorcent
Le parfait vecteur aux mille possibles
Pour buter contre l’exacte déclive
Qui les braque sur la vivante cible à peine essorée
Puis c’est l’impact fiché au cœur du silence
Le poing s’ouvrant
Qui dans la fulgurance de l’esprit
Profère l’ultime et sublime conjugaison
De l’archer avec sa proie
Dans l’hapax éternel de l’instant
Sa besogne n’est pas de remplir sa gibecière
De froides carcasses emplumées
Ni tant d’exterminer la volaille immonde et ses vols criards
Que de l’extirper de soi-même
De les attraire un à un à ses pieds
Ces prédateurs au bec crochu mangeurs de chairs humaines
Afin qu’avec chacune de ces morts
S’établisse enfin le silence
Qui le recouvre tout entier dans son intègre nudité
Dût-il le dévorer lui-même de sa terrible exigence
Dans le brasier de la pure Beauté
[*] L’un des douze travaux imposés à Héraclès par Euristhée, roi d’Argos, consista à tuer à coups de flèches les oiseaux du lac Stymphale qui attaquaient les hommes et les animaux. Déjanire, son épouse, furieuse d’être délaissée, lui envoya une tunique empoisonnée. Dès qu’il eut revêtu cette tunique, Héraclès éprouva des douleurs intolérables. Pour y mettre fin, il éleva un bûcher sur le mont Œtna et s’y précipita.
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